Tout démarre en 1964, dans la base militaire américaine de Pirmasensen, en Allemagne de l’ouest, où le jeune Douglas Colvin est en butte à la violence de ses parents alcooliques. Son militaire de père bat sa mère dès qu’il a un coup dans le nez. Le petit Doug n’est pas en reste et catalyse trop souvent la rage d’un paternel détruit par la guerre. C’est la vie de caserne, l’ennui mortel, avec pour bande-son les radios américaines qui passent les succès de l’époque : les Stones, les Beatles, etc. Et, pour tout loisir, Doug écume les bunkers en ruine de la Wehrmacht et y cherche des restes de l’armée déchue. On y trouve encore des casques, des dagues nazies, des revues pornographiques, etc. Un jour, Doug tombe sur une vieille caisse de morphine et se fait son premier shoot : Doug est mort, vive Deedee ! De retour à New York, fin 1970, Deedee rencontre ses futurs frangins, et on connaît la suite.
Les fabuleux Ramones brothers
Je vous entends déjà : « Encore les Ramones ! » Et vous n’aurez pas tort, tant ce groupe fait parti du panthéon de la culture punk. Les quatre frères ont inspiré de nombreux artistes : photographes, musiciens, journalistes, et autres dessinateurs. On les a vus caricaturés par le trait de Derf Backderf dans la BD Punk Rock et Mobile Homes (qui devrait faire l’objet d’une future chronique). Et puis il y a eu le numéro spécial Weird Tales of the Ramones, paru avec la fameuse compilation Rhino Records des Ramones. Des comics américains, donc. Mais ici ce n’est pas l’Amérique. C’est Bruno Cadéne et Xavier Bétaucourt qui réécrivent l’histoire des Ramones et surtout celle de Deedee, leur bassiste, qui y fait office de narrateur.
« Mort aux Ramones » ?
Et leur scénario suit l’incontournable autobiographie de Deedee, Mort aux Ramones. A tel point qu’elle aurait sûrement mérité un peu plus qu’une simple note bibliographique de fin de volume… énième injustice faite à ce pauvre Douglas Colvin. Eric Cartier met tout cela en image avec le dessin qu’on lui connaît grâce à Route 78. Il fait le choix du noir et blanc et se débarrasse ainsi de sa joyeuse naïveté. Son trait est crayonné, charbonneux, digne du DIY d’un bon fanzine punk. Car les Ramones n’étaient pas des mecs joyeux, c’était plutôt un ramassis de paumés, solitaires et malheureux, camés et alcooliques, réunis par et pour la musique. Et c’est ce que Cartier donne à voir : Deedee paumé et incapable de rester sobre plus de quelques heures, Johnny violent et réactionnaire, Joey et sa santé mentale discutable. Un groupe incapable de tenir tête à la mégalomanie d’un Phil Spector hors de contrôle. Et puis la sale ambiance, pesante, qui règne vite dans le camion, lors de tournées minables et sans fins.
Blondie, Iggy, Phil et les autres…
Alors si vous ne connaissez pas bien leur histoire, ruez-vous sur cette épopée rock très documentée grâce à un dossier assez dense, en fin de volume. Pour ceux qui la connaitrait déjà, lisez-la aussi, pour sa mise en lumière des rapports conflictuels entre les membres du groupe. Pour mieux comprendre la tyrannie de l’horrible Johnny sur ses frères, celui sans qui le groupe n’aurait sûrement jamais vu le jour. Pour goûter un peu la sauvagerie du New York de la fin des seventies et la crasse des punks de Grande Bretagne qui crachaient de joie. Pour croiser les Clash, Blondie, Iggy Pop et Phil Spector…
Et puis surtout, lisez et relisez Mort aux Ramones, de Deedee Ramones !
Solen Brixton