D’emblée, la couverture de BD annonce l’étrange. Un barbu portant un petit enfant rose, dont les jambes ressemblent à des pattes de lièvre, se détache au premier plan d’une scène apocalyptique. Derrière, un imposant nuage orange menace et un raz de marée s’apprête à engloutir une foule de personnages mutants…
Un jour, le monde réel a basculé. Une vague a balayé la terre. Elle a, entre autre, emporté Jeanne, avec laquelle David, le rockeur barbu, était sur le point de rompre. D’étranges bosses noires sont apparues à la surface de la terre, des fœtus d’une nouvelle espèce qui ne tarderont pas à naitre. On peut taper dessus avec une pelle, on peut les déterrer prématurément et les laisser crever. David est incapable de cette cruauté, il est l’un des rares à recueillir un de ces enfants, mi-humains, mi-animaux, rapidement nommés « mixbodys ». La question de leur intégration dans la société devient sujet central et très controversé. Les experts à la télé commentent, l’extrême droite répand la haine, les violences spécistes deviennent quotidiennes. A son niveau, David se bat pour que son enfant grandisse normalement, malgré sa différence, et rencontre peu de soutien.
Vous l’aurez compris, cette première partie d’Epiphania (à suivre…) cache, derrière des faux airs de science-fiction apocalyptique un peu barrée, une effrayante critique du monde actuel, de son hystérie et de sa violence. Mais pas que… On y parle aussi d’amour, de paternité, d’amitié, tout en tendresse et c’est extrêmement émouvant.
La thématique des freaks est loin d’être originale dans l’univers du roman graphique, je pense notamment à Charles Burns et son Black Hole, flippant, noir et froid. L’hybridation, la difformité, le handicap et son rejet par la société semble également être un objet de fascination pour le Français Ludovic Debeurme qui explorait déjà ce terrain par le versant émotionnel dans Le Grand Autre, aux Editions Cornelius. Rien de nouveau donc. Mais avec Epiphania, sur la base d’une idée aussi originale que graphique, des têtes d’enfants sortant de terre comme des choux, Debeurme déploie un scénario franchement surprenant, jusqu’au bout… Un doux cauchemar qui vous poursuit encore un peu une fois réveillé. Alice