Dans les 4 tomes édités entre 2011 et 2016 aux éditions du Label 619, on suit l’histoire d Elliott Friedman, petit personnage attachant, fils de l’épicier venant tout juste d’ouvrir une Grocery au coin de la rue. Elliott est un gosse, une tronche à l’école, mais vite embringué dans les histoires de deal d’une petite bande qui vend à quelques pas du magasin. Il faut dire que ce sont eux ses potes, notamment Sixteen le « boss ». Dans le quartier, c’est comme une fatalité, la violence te colle à la peau, surtout quand il y a les autres bandes comme les Maras et les White supremacist qui sont dans les parages, pour une histoire de contrôle de territoire et de business.
Au fil des 4 tomes, toute l’histoire du quartier se dévoile avec à chaque croisement, un destin tragique ou parfois heureux quand il se teinte d’amitié et d’une petite touche de candeur amoureuse aussi, ça arrive. Pourtant l’Amérique n’épargne pas ses enfants et le scénario d’Aurélien Ducoudray rappelle tous les drames du capitalisme sauvage. On peut se faire descendre au tournant comme dans un épisode de The Wire, fort probablement source d’inspiration, mais aussi à petit feu devant la porte de sa maison quand on ne peut pas rembourser les traites, avalé par la crise des subprimes ou la bête immobilière.
Mais pas d’erreur, on reste dans l’univers de la BD avec les dessins qui font du bien de Guillaume Singelin: des personnages très personnels aux traits un peu difformes, voir pour certains légèrement animaliers, notamment ceux de notre héros et sa petite bouille de grenouille. Et comme pas mal de destins s’entrecroisent dans ce morceau de Baltimore, les couleurs les suivent dans leurs joies, leurs drames, la violence de leurs actions ou la noirceur de leur âme.
Je dirais qu’au milieu d’une bédéthèque aux dessins somme toute assez conventionnels, qui m’est passée dans les mains ces dernières années, The Grocery a une place à part; un peu comme Blast de Larcenet, où derrière le crime, se terre un petit coin d’innocence, de naïveté et d’envie d’être aimé pas les siens.