Exercice difficile que celui de donner à réfléchir sur un thème aussi sensible que la radicalisation en ces temps tourmentés que nous vivons actuellement. Pourtant les éditions Glénat s’y sont risquées en publiant cet excellent roman graphique scénarisé par Laurent Galandon et magnifiquement dessiné par Dominique Mermoux.
Le ton est sobre et le propos est juste. Point de raccourcis, d’amalgames ou de caricatures dans ce récit. Il faut dire que Laurent Galandon n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’il est aussi le scénariste de L’envolée sauvage, de Quand souffle le vent et Le contrepied de Foé entre autres. Ce scénariste sait, tout au long de la narration, nous amener sur le terrain de la réflexion et de la compréhension, voire de l’introspection. On est pris d’empathie pour Cécile, cette maman relativement isolée qui élève son fils tout en travaillant dans une unité de soins palliatifs. Un fils qui ressemble à beaucoup de jeunes occidentaux. Un jeune homme qui ne supporte pas l’injustice, un jeune homme rempli d’idéaux et d’envie de vivre librement sa vie, jusqu’au jour où tout bascule. Le récit s’appuie plus sur le parcours de la mère, sa difficulté à avoir des nouvelles de son fils, ses interrogations, son sentiment de culpabilité et d’incompréhension… Une immersion dans le doute et l’angoisse, sans tomber dans le pathos ou le cliché.
L’histoire est servie par un graphisme ligne claire très sobre également. Le traitement en noir et blanc, avec des valeurs de gris, renforce la teneur des propos sans s’embarrasser de couleurs d’aucune sorte. Le montage des planches reste très classique, mais l’objectif des auteurs n’est pas de révolutionner la bande dessinée à travers ce recueil, juste de transmettre un message de sensibilisation pour comprendre les mécanismes de radicalisation possible auprès des jeunes dans notre société occidentale. Et, à ce titre, l’objectif me semble parfaitement réussi.
L’appel est un excellent roman graphique qui s’apparenterait presque à un travail documentaire, même s’il s’agit a priori d’une fiction. On est loin des bandes dessinées dites « récréatives », mais on se laisse très aisément emporter par l’aventure de Cécile et de son fils Benoit. Je recommande très fortement la lecture de ce livre, ne serait-ce que pour encourager la prise de conscience du problème et libérer la parole loin des prises de position partisanes habituelles.
Une belle découverte et une vraie réussite. Bravo aux auteurs et à l’éditeur pour cette publication !