Publiés aux États-Unis sous forme de 10 comics entre mai 2015 et mars 2016, Fight Club 2 est la suite de Fight Club, le roman écrit par Chuck Palahniuk et transposé au cinéma par David Fincher avec Brad Pitt et Edward Norton.
Cette suite, qui se déroule 10 ans après Fight club, est plus à raccorder au roman qui laissait entrevoir une suite, alors que le film met un terme quasi définitif à l’histoire. On retrouve le personnage central et énigmatique qu’est Tyler Durden, initiateur du fight club, ainsi que Sébastian, l’autre personnage central qui souffre de schizophrénie aiguë et qui entretient une relation complexe et malsaine basée sur la violence avec Durden.
Dix ans après, Sébastian est marié et père d’un garçon d’une dizaine d’années. Il soigne sa schizophrénie à grands renforts de pilules et autres remèdes chimiques. Sa vie est morne et routinière. Sa femme décide de réduire ses médications à son insu pour essayer de ramener son mari à elle et à la vie. Malheureusement, alors que les médicaments maintenaient Tyler Durden hors du champ familial et des préoccupations de Sébastian, le changement de dosage des capsules réveille sa schizophrénie et fait réapparaitre Tyler Durden. La suite des évènements n’est qu’une lente descente aux enfers pour Sébastian et ses proches.
« Chuck Palahniuk joue un peu avec notre cerveau et nos nerfs dans ce Fight Club 2″
Dans un style graphique relativement classique pour un comics américain, on retrouve aux pinceaux Cameron Stewart, un vieux routier des comics de super-héros (Batman, Catwoman), collaborateur de Grant Morrison et d’Ed Brubaker. Son interprétation du scénario de Chuck Palahniuk est d’une facture plus que réussie. Les découpages, les cadrages et autres angles de vue sont tout simplement éblouissants. De grandes cases pleine page à des successions de petites cases servant la narration et donnant des petites accélérations dans la lecture, rien n’est laissé au hasard. A la fin de chaque chapitre et au début du suivant, des pages présentées comme de fausses notices « En cas d’atterrissage d’urgence » résument en 6 vignettes, accompagnées d’un petit texte, l’essentiel à retenir du chapitre précédent (il faut se rappeler que chaque chapitre a été publié séparément à l’origine sous forme de comics). Ces pages vous seront fort utiles pour ne pas perdre le fil de la narration. Car il faut bien l’avouer, Chuck Palahniuk joue un peu avec notre cerveau et nos nerfs dans ce Fight Club 2 . De mises en abîme étourdissantes à des retournements de situations extraordinaires, le scénariste / romancier nous entraine dans un univers où il est parfois difficile de s’y retrouver. La schizophrénie de Sébastian transpire des pages et pourrait gagner le lecteur pour peu qu’il n’y prenne garde ! La réalité et la fiction s’entremêlent d’une page à l’autre et le lecteur peut parfois avoir du mal à s’y retrouver. La folie guette à chaque coin de page. Mais c’est une folie constructive, à mon avis.
Une folie qui fait réfléchir.
Personnellement, j’ai vraiment aimé Fight Club 2, même s’il m’a fallu parfois relire certains passages tellement le récit peut sembler obscur et sinueux. 270 pages qui ne laissent pas indemne. Un dessin incroyablement maîtrisé, un découpage narratif énergique et pas ennuyeux pour un sou, une mise en couleur classique mais efficace, tout est réuni pour flatter l’œil et l’esprit. Un petit bémol quant à l’issue de l’histoire, surtout quand le scénariste lui-même entre en scène dans son propre récit. Un certain cafouillage se fait jour et le lecteur peut se trouver déstabilisé, comme je l’ai été. On se demande si ce choix narratif tient du génie ou du manque d’inspiration pour clore l’histoire. Mais sans rien spoiler, je vous laisse vous faire votre propre idée en lisant Fight Club 2 .
Une mention spéciale pour l’excellent fascicule intitulé « artworks » qui clôt le recueil. On y découvre une bonne vingtaine de créations faites à l’origine pour servir de couvertures aux comics publiés aux USA. De David Mack à Steve Morris, en passant par Duncan Fegredo, Lee Bermejo ou Cameron Stewart lui-même, certaines couvertures sont tout simplement magnifiques.
En résumé, une initiative étonnante de la part d’un romancier que d’envisager une suite en bandes dessinées à son roman ; mais une vraie réussite qui ne décevra pas non plus les amateurs du film de Fincher. Un film-culte pour beaucoup et une BD qui pourrait être en passe de le devenir elle-aussi ! Qu’on se le dise !