Cinq branches de coton noir

  • Titre: Cinq branches de coton noir
  • Auteur(s): Scénario : Yves SENTE - Dessin : Steve CUZOR - Colorisation : Meephe VERSAEVEL
  • Date de sortie: 19 Janvier 2018
  • Éditeur(s): Aire Libre
Cinq branches de coton noir

Sur un scénario formidablement ciselé par Yves SENTE (Blake & Mortimer, la vengeance du comte Skarbek, Thorgal, XIII, Le Janitor…), la narration nous entraine dans le sillage de l’histoire de la bannière étoilée américaine. Bon, présentée ainsi, l’histoire n’a rien de vraiment glamour ou attractive au premier abord ; mais le récit qui débute en mai 1944 dans une base alliée au nord de Douvres, pour nous transporter ensuite à Philadelphie en janvier 1776, est tout simplement addictif et immersif. Tout le long de l’album, on suit les mésaventures d’un trio de soldats noirs américains qui cherche à sortir de sa condition de « nigger » pour vivre normalement comme n’importe quel soldat (citoyen ?) américain blanc de l’époque, loin des discriminations et de la ségrégation qui empoisonnent l’existence des « non blancs ». Tout s’articule autour de la première version textile du drapeau américain, qui recèlerait un secret qui pourrait chambouler considérablement l’histoire-même de la construction de la nation américaine (c’est du moins ce que pensent les protagonistes noirs de l’aventure). Une course poursuite s’engage pour restituer aux USA le précieux symbole de sa création, rétablir par la même occasion la vérité historique et rendre absconse la notion de racisme anti-noir en Amérique. Le récit est très documenté au point de donner une véracité réelle à l’ensemble qui n’est pourtant que fiction.


Le dessin, réalisé par Steve CUZOR (Quintett, Blacjjack, XIII Mystery, O’boys…), est d’une incroyable exactitude. De facture très « comics américain », le graphisme réaliste de CUZOR est renforcé par des cadrages et des prises de vue parfaitement maitrisés. Les mises en page sont classiques mais servent impeccablement la narration. Le choix d’une mise en couleurs en bichromie est du plus bel effet, alternant des tons chauds (quand on aborde les moments qui se déroulent aux USA) et des tons plus froids (lorsque que la lecture nous entraine dans l’horreur et le froid de la seconde guerre mondiale en Europe). La publication en « one shot » de cet ouvrage est également une belle initiative de la part de la collection Aire Libre aux éditions Dupuis, marquant ainsi les 30 ans de cette collection créée par Jean VAN HAMME pour apporter des ouvrages moins connotés « humour & jeunesse » au catalogue de l’éditeur.

Pour conclure, il est à noter que cette histoire a une résonance toute particulière aujourd’hui puisqu’elle développe des thèmes qui restent encore d’actualité, notamment en matière de lutte contre les discriminations, d’injustice, de réécriture de l’Histoire, de civisme et de citoyenneté.

Cette bande dessinée rentre d’ores et déjà dans mon panthéon personnel, et je ne serai pas étonné qu’elle obtienne de nombreuses récompenses dans les mois à venir. En attendant, elle devrait rapidement rencontrer l’engouement des lecteurs adultes qui s’y aventureront. A recommander sans réserve.