SOTL

SOTL13 # Solen Brixton

Un acteur de la scène = une liste de 10 morceaux. Pas forcément les meilleurs, les premiers, les mieux joués, mais plutôt la musique qui l’inspire, qu’il aime sans raisons particulières. Le genre de trucs qu’il écoute dans le noir, ou en fin de soirée, chaud comme un marron sur le poêle.


Hop, hop, hop ! On se réveille. Jeune chauve, vieux gominé, punk alamode, crusty fondant, c’est l’heure de la messe. Samedi soir, sous vos yeux ébahis, face à vous dans la moiteur de ce sous-sol parisien, soyez prêts à recevoir, dans un moment de communion sans précédent, l’amour du punk rock et de la rage de vivre. Soyez à la hauteur pour accueillir la plus talentueuse prédicatrice que votre scène n’ait jamais porté. Ouvrez vos cœurs, ouvrez vos oreilles, laissez-vous sauver, Brixton Cats est de Retour.

Ne rougis pas, Solen. Tu peux, si tu veux, invoquer mon enthousiasme débordant et une certaine propension à l’exagération pour relativiser mes propos. Il est évident que je ne suis pas objectif, je laisse aux tièdes et aux menchéviks cette facilité intellectuelle. Je range également bien profond cette éthique qui voudrait que l’on ne louange pas une vieille copine, qui plus est dans un webzine auquel elle collabore. Impartialité, je te vomis.

Parler de talent te concernant est sans doute évident mais un peu trop facile, me voilà donc lancé dans une autre démonstration périlleuse. Je vais essayer de faire court.

Pour ma part, si j’ai encore du mal à comprendre comment j’ai pu chanter dans un groupe pendant de si longues années, je me souviens très bien ce qui m’a motivé. Deux souvenirs. Le premier, en vidéo, un concert de Minor Threat, et l’énergie irréelle de Ian McKaye. Le second, un concert à Montreuil de Conflict en 1994 (je ne suis pas sûr de l’année), et l’attitude de Colin Jerwood, leur chanteur. Ils sont rares, ceux qui sont capables de te choper à la première note, comme Ian et Colin. Solen, sur scène, a cette même rage radicale, elle te prend par le colback pour t’envoyer valser, loin.

Ce n’est même pas une question de courage ou de caractère, il y en a qui ont les deux et restent à côté de la plaque. Non, c’est autre part qu’il faut chercher chez elle. C’est une force, une énergie, une détermination. Qu’importe la voix pourvu qu’il y ait une musique qui la porte et un corps agité qui la transporte. Peut-être uses-t-elle d’hypnose pour convaincre ? Il y a quelque chose, un truc de magie qui te scotches comme une claque bien appuyée, qui va chercher ta rage de vivre là ou elle sommeille.

Le talent, c’est bien chanter. Bon, Solen a du talent, d’accord. Mais les uppercuts qu’elle balance dans les corps à corps avec le public marquent bien plus que qu’une mélodie sympa et juste. On veut de la fureur, de la rage, de la colère, et Solen en donne, c’est garantie.

Sans doute parce qu’elle n’a pas le choix…/Mateo B.



Bon, je dois bien vous avouer que quand Mateo m’a demandé de faire le prochain SOTL, j’ai d’abord compris qu’il était en panne d’inspiration… et que je devais trouver un « acteur de la scène » pour lui demander sa playlist. Mais à la relecture du message, j’ai enfin saisi qu’il s’agirait en fait de mon SOTL… et je n’étais pas peu fière de la nouvelle ! Mais autant vous dire que j’ai encore le trac à l’idée de vous montrer mes morceaux… C’est pire que de se mettre à poil en public, mais c’est fait et j’ai joué le jeu, même si j’ai un poil dépassé mon quota… C’est dur de se limiter autant. Bref, vous m’en direz des nouvelles 


1 – Quicksilver Messenger Service / Pride of Man

Punaise, c’est vachement intime ton p’it jeu en fait ! Alors là j’ai treize ans, je suis mon grand frère comme son ombre dans tous les bons disquaires d’occas’ de Châtelet à Jussieu. On devait être chez Parallèle, j’ai un peu d’argent de poche et au détour d’un bac de vynil, je tombe sur le premier Quicksilver Messenger Service… mon frère me jette un œil, opine du chef : « C’est bien ça ! ». Une fois rentrés chez nous, je l’ai écouté en boucle pendant des jours… Ce disque ne m’a pas quitté depuis, je l’aime toujours autant, quand je l’écoute j’ai treize ans.


2 – Creedence Clearwater Revival / Fortunate Son

A peu près à la même époque, je tombe sur ce morceau dans la discothèque de mon frère, je passe une journée à en traduire les paroles. Et je découvre un brulot antimilitariste écrit en pleine guerre du Vietnam, dénonçant l’exemption du service militaire de certains  « fils de » tandis que le commun des mortels servait de chair à canon. Rien qu’à l’écouter la colère gagne, ça fout la niaque !… J’aime tout de ce groupe, ils avaient tout compris.


3 – Adolescents / Kids of the Black Hole

C’est vif et puissant, intelligent, tellement frais et efficace des années plus tard… En ce moment je me passe cet album en boucle.


4 – New Order / Blue Monday

Ce morceau déclenche systématiquement un déhanchement frénétique sur ma petite personne, ça dure 7 minutes ultra efficaces, … ‘sont forts ces anglais ! Posologie : une fois au petit-déjeuner en cas de grisaille.


5 – Angel Olsen / Shut up Kiss Me

Encore un morceau qui passe en boucle, en beuglant les paroles par-dessus. Je vous conseille de jeter une oreille au live au Pitchfork Music Festival 2017 qu’on peut trouver sur Youtube, et qui représente bien l’univers d’Angel Olsen : un mélange de rock psyché, de folk, d’americana… J’aime aussi beaucoup « Special », totalement psychédélique pour le coup.


6 – Kris Kristofferson / Sunday Morning Coming Down

Un chef d’œuvre écrit par Kris Kristofferson, très vite repris par Johnny Cash. J’ai toujours préféré l’original, qui fleure bon le désespoir, l’alcool et le drame, une vraie chanson de poète cowboy : « I’d smoked my brains the night before, on cigarettes and songs that I’d been picking. ». C’est presque une scène de film… Kris Kristofferson est un poète conteur. Et malgré toute l’admiration que j’ai pour Johnny Cash, il en a fait une version franchement Buffalo Grill, presque second degré que je n’ai jamais aimé. De toute façon le premier album de Kris Kristofferson est une merveille, il n’y a qu’à écouter Me And Bobby Mc Gee pour s’en persuader.


7 – Idles / Mother

Découvert sur scène cet été, revu fin 2017 au Point Ephémère… une énorme claque à chaque fois ! En plus leur discours est très social, franchement revendicatif… Encore une fois…’Sont forts ces anglais !


8 – Wire / Mannequin

Bon, comme vous le constatez j’écoute beaucoup de vieilleries, mais bon dieu que ce morceau est bon ! « It’s not animosity, just don’t interest me », c’est tellement méprisant ! Ça pourrait sortir demain et clouer le bec à plus d’un. L’album entier est en une série de hits tous plus efficaces les uns que les autres… mais je ne vous apprends rien.


9 – The Pogues / Thousands are Sailing

Les Pogues sont comme de vieux amis qu’on retrouve sans cesse sans jamais se perdre de vue. Et quand la poésie du barde Mc Gowan dépeint l’exil des irlandais fuyant la famine et l’occupant anglais, ça me tire systématiquement les larmes…


10 – Marlon Williams / What’s Chasing You

J’adore la voix de Marlon Williams, et même si son dernier album tranche avec ses racines country-americana, j’aime beaucoup ses derniers titres plus personnels, un brin crooner.


11 – The Smiths / What Difference Does It Make 

Alors là, j’entends déjà le collecteur de cette playlist se marrer en levant les yeux au ciel, n’empêche que je ne me suis toujours pas remise de ma rencontre avec les Smiths. Je devais être en 2nde quand je suis tombée sur l’album The Queen Is Dead pour la première fois… Une révélation : la guitare omniprésente de Johnny Marr,  la voix incomparable de Morrissey : un genre de perfection.


12 – Angelic Upstart / Solidarity

Je les ai vu plusieurs fois sur scène, ils sortent de leur camion avec des dégaines usées jusqu’à la corde, l’air fatigué… et une fois sur scène, la magie opère systématiquement, l’émotion est très forte pendant leurs concerts… On les sent sincères, honnêtes jusqu’à l’excès.