Géant ! Je m’étais déjà enthousiasmée dans Abloc numéro 1 pour « Et Nietzsche a pleuré », rencontre des philosophies freudienne et nietzschéenne sur un mode romancé et totalement accessible. Et ô combien je me suis délectée dans le présent ouvrage sorti en 2012 de ce nouveau duel entre deux visions de la vie, totalement éloignées de par l’époque et les aspirations. D’une part celle de Bento Spinoza, né en 1632 à Amsterdam, fils d’une famille juive portugaise ayant fui l’inquisition, banni par ensuite par sa communauté, du fait de ses écrits antireligieux. D’autre part celle de Rosenberg, idéologue nazi, fervent antisémite, rédacteur en chef de l’organe du NSDAP, reconnu responsable des massacres perpétrés en Allemagne de l’Est par le tribunal de Nuremberg et pendu en 1946.
Mais comment arriver à mettre en parallèle deux personnages que tout éloigne ?! D’un côté Spinoza, promoteur d’un homme libre qui aspire au bonheur, menant une vie simple – mais très austère – affranchie des superstitions, de la vénalité et des honneurs, qui a profondément marqué la pensée philosophique. De l’autre, Rosenberg, imbu de lui-même, atteint de troubles psychologiques, hanté par les « judéo-bolchéviques », mais qui a étudié la philosophie et ne comprend pas comment un juif a pu être l’auteur d’une telle pensée qui a profondément influencé Goethe. Il a fallu qu’Irvin Yalom découvre au musée Spinoza à Rijnsburg en Hollande, que Rosenberg était venu en personne en 1941, piller la bibliothèque du penseur, pour l’emporter en Allemagne. Un nazi fervent admirateur d’un philosophe juif du XVIIe siècle, il n’en fallait pas plus à l’auteur psychothérapeute pour écrire à nouveau un roman intriguant et brillant qui cette fois-ci encore extrait la philosophie de sa tour d’argent.