Les BAC (Brigades Anti-Criminalité) représentent le bras armé d’une politique qui se met en place au milieu des années 1990, déployant un double dispositif policier et pénal dont la cible est constituée par les ZUS (Zones Urbaines Sensibles), à la croisée des questions d’immigration et de délinquance, que le discours public associe désormais systématiquement. Et le sociologue-anthropologue qui a mené une enquête ethnographique sur une section BAC du 93 pendant plusieurs mois d’affirmer, que les BAC sont là pour justifier la reproduction d’un certain ordre social, les contrôles d’identité en étant l’un des outils. « On les contrôle même quand ils n’ont rien fait et qu’ils n’ont pas l’air de se préparer à faire quoi que ce soit. C’est illégal mais on le fait. Eux ils ont l’habitude, ils donnent leurs papiers », dixit un policier. Ainsi dans cette publication, l’auteur donne des exemples de provocations de la police envers les jeunes, pour les humilier et leur rappeler qu’ils sont assujettis à l’ordre qui règne sur le territoire.
Il rappelle et constate aussi la politique du chiffre (aux dires des policiers eux-mêmes) qui, n’arrivant pas à mener suffisamment d’interpellations pour des atteintes aux biens ou à la personne, pratiquent des « ILS » et des « ILE » (Infractions à la Législation sur les Stupéfiants et les Étrangers), pour en quelque sorte, compléter les fins de mois. Violence, discrimination, racisme, adhésion aux idées de l’extrême droite ouvertement affichées par la BAC que suit l’auteur, large autonomie d’action, la liste serait bien longue : tel est le constat, exemples à l’appui, que présente cette enquête, par là-même, un excellent outil argumentatif pour démonter le discours qui tendrait à justifier une police nécessaire au maintien de l’ordre. Oui, de l’ordre il y a. Un ordre social discriminatoire. À nous de ne pas y adhérer. À nous de le démonter. / Gé
Didier Fassin | La force de l’ordre | Éditions du Seuil – 393 pages