J’étais assis tranquille chez ce bon vieux Tibo en train d’écouter la compile Chaos en France en me disant que quand même à part deux trois titres, c’était pas grandiose. Quand j’ai pu entendre un morceaux des Rats du Havre et je me suis dis « merde ça c’est bien ! ». Du coup je me suis dis que re télécharger cette compile ça serait bien, et puis en trouver plus sur ce groupe aussi.
C’est à ce moment que je suis tombé sur le groupe SUB KIDS. C’est quoi ce groupe ? Ils venaient de Dunkerque ? La vidéo archive de l’INA avec « boots on cars » arrive sur mon écran: « ça défonce ce truc ! », Mais où on chope ça ?? En écoutant Sub Kids je me suis dis que c’était injuste qu’un groupe comme ça soit inconnu alors qu’on qu’on nous bassine tellement avec Komintern sect voir pire, des groupes de RAC. et qu’un bon groupe avec un son à l’anglaise et des idées pas trop pourries soit juste oublié de l’histoire punk.
Bref j’ai voulu interviewer ce groupe, Arnaud kraspek puis Euthanasie m’ont aiguillé vers Fred le guitariste qui a une bonne vieille page internet free et le tour était joué ! Fred a été assez sympa malgré que cela ne lui ait pas rappelé que des bons souvenirs et a répondu à mes questions. Alors un grand merci à lui et je désespère pas de voir SUB KIDS réédité un jour !
Numa [N] : Salut Fred et merci de répondre à cette interview ! Bon 1ère question: vous vous êtes formés quand avec Sub kids ? Y avait qui dans le groupe, des gens que t’as connus grâce au punk, à la musique ou des potes d’enfance ?
J’ai formé Suburban Kids (Gosses de banlieue) en 1977/1978, lors du dernier jour de SPIDERS, le groupe de mon frère avec qui je jouais de la basse. Avec mes nouvelles compos je jouais la guitare et je chantais par défaut. J’ai recruté mon ami François Hyart à la basse et Mathieu Converty à la batterie. François était un ami d’enfance. On a grandi ensemble, on habitait un immeuble à Grande Synthe, le bloc R.
Un autre ami d’école, Bubu (Freddy Dustbin) a pris le chant. En 1981 juste après notre passage au golf drouot, je suis parti faire mon service militaire, c’est là que mon ex-frère Den voulant faire partie du groupe – au départ pour faire la rythmique – s’est vite imposé en tant que dictateur du groupe. Il a pris le chant et les commandes du groupe et je n’étais plus maitre de mon propre groupe. Mathieu a formé son propre groupe (Butter Cookies). Ensuite on a pris Steph, le frère de Bubu en 2eme batteur et on a joué pas mal de temps avec deux batteries.
[N] : Vous veniez de Dunkerque c’est ça ? C’était quoi le Dunkerque des années 80 ? Moi quand j’ai vu l’archive INA avec vous dedans ça m’a évoqué une ville comme Brest, pour le côté bastion rouge ouvrier en déclin, ville portuaire ? C’était rouge Dunkerque ?
J’habitais Grande Synthe, la banlieue proche de Dunkerque. C’étaient les 80’s et on était encore dans l’élan des 30 Glorieuses (les bonnes années d’après guerre). Y avait du boulot en pagaille, on quittait un job pour aller sur un autre et on travaillait pas mal sur les chantiers. C’était une ville portuaire avec l’activité qui allait avec, ça bougeait bien. C’était rouge et gris, rouge à cause des retombées de minerai de l’usine Usinor à l’époque et on respirait pas mal de merde, encore aujourd’hui d’ailleurs. Et gris comme le temps, on y voit rarement le soleil.
L’ennui des ado, on a jamais connu ça, on s’ennuyait pas, on était toujours dehors à faire des choses.
[N] : Alors on revient aux Sub kids, pourquoi s’appeler les gosses des souterrains ? Référence à UK SUBS ? Pourquoi vous vous formez à l’époque, par rage contre ce monde, contre l’ennui adolescent ?
Sub Kids est juste l’abréviation de Suburban Kids (Gosses de Banlieue). Ça aurait pu être souterrain oui car on a passé beaucoup de temps dans les caves. On écoutait UK Subs, mais plein d’autres groupes. Pourquoi former un groupe ? Je sais pas, c’est venu tout seul: le grand frère qui tapote la guitare. J’ai essayé et hop c’est parti. J’ai vite du choisir entre la passion de la moto et de la musique, j’ai choisi la musique, moins personnel, + de rencontres, plus enrichissant. Ado on est toujours contre le système, on voyait déjà clair dans les magouilles des gouvernements. L’ennui des ado, on a jamais connu ça, on s’ennuyait pas, on était toujours dehors à faire des choses. Les jeunes de maintenant ne connaissent plus ça.
[N] : Comment vous vous retrouvez à écouter du punk ? La proximité avec l’Angleterre, ça vous aidait à choper des disques ? J’ai pas mal lu ça dans des récits de punks des villes portuaires comme Rouen ou Brest.
Grande Synthe a été la 1ere ville câblée en France. On regardait donc les chaines anglaises à la TV, Top of the pops, Kenny Everett Show, où on a vu tous les groupes commencer. On avait la chance aussi d’avoir sur nos ondes, Radio Mi Amigo et Radio Caroline, c’était des bateaux radio pirates qui naviguaient en Mer du Nord. Quand on cherchait sur les ondes un truc bien, on tombait sur Caroline et on est vite restés bloqués sur cette radio. J’enregistrais tout sur K7, j’ai jamais acheté de disques. On allait très souvent aussi en Angleterre, on achetait des K7 pirates de concerts live des Clash ou autres… On achetait aussi les journaux SOUNDS, et Melodie Maker, on avait toutes les infos sur la zik anglaise.
[N] : D’ailleurs quand on écoute Sub kids on pense direct The Clash, Stiff Little Fingers, ou Undertones, Rudi, voir the ruts dans les incursions reggae. C’était vos influences ? Vous y êtes allés en Angleterre avec les sub ?
Clash oui c’était vraiment notre influence première, Undertones, Sex Pistols, Ramones, mais pas que, plein de groupes de rock pur comme les Count Bishops, Dr Feelgood, Eddie and the hot rods, stukas, rezillos, la liste est longue… On a jamais joué en Angleterre avec Sub Kids hélas, juste en Belgique.
[N] : Après quand on vous écoute on sent aussi une filiation directe avec un autre groupe français de la même période mais qui n’évoluait pas tout à fait dans la même « scène » il me semble THE BRIGADES, ça t’évoque quoi ce groupe ? Vous avez joué ensemble ? Le chanteur a produit une compilation de Sub kids nan ?
Vlad et les Brigades étaient des amis, on défendait la même cause; eux étaient quand même beaucoup plus politiques que nous. On a fait quelques scènes ensemble. Vlad et sa prod (Negative Records) nous a fait une belle compilation sur un 33 tours de tout ce qui est sorti sur vynil.
[N] : Dans l’archive Ina , vous parlez des chantiers navals, de l’industrie en déclin, vous parlez de là où vous vivez. Le punk vous le voyez comme une expression de votre quotidien plus qu’une musique où on parle de révolution lointaine ? En tout cas je suis fan de ce morceaux « boots on cars », il dit quoi au juste ?
Oui on parlait de notre vie quotidienne, les filles, le boulot, de ce qui n’allait pas, la politique. L’industrie n’était pas encore en déclin. On s’est pas dit tiens on va être punk, d’ailleurs on s’est jamais mis cette étiquette sur le dos; je me suis toujours considéré comme groupe Rock. On était peut être punks malgré nous, on était nous mêmes, on avait des perfecto non pas pour faire beau mais pour le froid ha ha; les rangers pour marcher dans la boue, la pluie, le vent. « Boots on cars » parle de l’émeute lors de la manif qui a eu lieu quand les chantiers de France (chantiers navals) ont fermé. « Boots on cars » (des chaussures de sécurité en train de cogner les bagnoles de CRS).
[N] : Ca c’est fait comment avec l’INA ? D’ailleurs je vous découvre depuis peu et vous semblez ne pas avoir eu une grosse « notoriété ». Après je crois pas que quand on fait du punk c’est ce qu’on cherche ou alors je me goure, même si on cherche à ce que les gens écoutent notre musique. Vous avez tourné un peu quand même ?
INA c’est les archives audiovisuels, on est passés sur FR3. Non on était pas des vedettes, pas trop connus, pour plusieurs raisons, on avait le tord de chanter anglais (et un mauvais anglais pour ne rien arranger), et Den qui menait la barque de Sub Kids n’était pas le meilleur des commerciaux, il a plutôt coulé le groupe qu’autre chose, tout comme tous les autres groupes qu’il a fait ensuite, ce n’est pas quelqu’un de sérieux et mature. On n’a pas tourné tant que ça du coup. Nos plus grands déplacements étaient Parthenay, Blois, Orléans, Paris, Ostende, on jouait plutôt local. On a fait le Golf Drouot tout de même juste avant sa fermeture, en 1981
[N] : J’aime beaucoup l’intro de votre live au chaos festival « vous connaissez dunkerque ?? Y a des chantiers là bas ! Y a beaucoup de police ! » Bref ça s’est passé comment ce festoche parce que de ce que j’en ai lu Kidnap on failli se faire démolir quand ils ont joué « no ss ». Les skins fachos qui font sieg heil ils vous vous ont épargnés malgré le côté politique de vos chansons ?
Orléans c’était folklo ouais ha ha, je pense qu’on a eu la chance de jouer en premier, on n’a pas eu le temps d’être emmerdés, on a vite vu que ça allait dégénérer à cause du service de sécurité, les soit disant Hells Angels. Ce sont eux qui ont foutu la merde paraît-il. On est vite parti, on a rien vu de ce festival. J’ai aucun regret, je ne me sens pas concerné par le punk Français.
vu la petitesse d’esprit des parigots, on a juste évité la capitale, on se sentait mieux dans notre banlieue.
N] : Je suis pas fan des compilations Chaos en France, même si elles ont le mérite de documenter la scène punk de cette époque, il y a quand même de la merde sur ce disque mais aussi des supers morceaux comme avec vous, les Brigades, Camera silens ou Kidnap. Bref quels étaient vos liens avec ces groupes ? Avec Chaos productions ?
Je ne suis pas fan non plus, on y est c’est bien, on y serait pas, ça serait bien aussi. Ils ont refait une ré-édition de Chaos en france et on a eu quelques exemplaires, c’est tout, ça s’arrête là. On n’a aucun contact ni de relation amicale avec Chaos. Nous étions amis avec les Brigades, on les faisait venir sur Dunkerque, nous on a été une fois à Paris mais super mal reçus par Wonderbar ou je sais plus qui. Les mecs étaient furieux contre nous car on a fait la 1ere partie de nos amis les Outcasts, vu la petitesse d’esprit des parigots, on a juste évité la capitale, on se sentait mieux dans notre banlieue.
On a également fait partie d’une autre compilation (The First Sonic World War) punk également, ou miracle, j’ai eu le droit de mettre une des mes compos, par contre très mal enregistrée hélas.
[N] : D’ailleurs personne ne veut le sortir votre live au Chaos festival, je le trouve très bien le son et c’est tube sur tube!
Je savais pas qu’il y avait un live. Oui ils ont surement enregistré, mais on a tellement mal joué que ça se comprend de ne pas sortir ça. Le répertoire Sub Kids avec Den au chant ne correspond pas du tout à ce que je voulais faire pour Suburban Kids au départ, on est à des années lumières de ce que ça aurait du être. J’ai été bridé par Den qui a mené la barque à sa façon. Aujourd’hui je ne peux même pas être fier de mon propre groupe que j’avais créé, c’est du gâchis.
[N] : Du coup pourquoi vous arrêtez le groupe ? Vous partez sur d’autre projets à cette époque, ou c’est la vie qui vous rattrape ? D’ailleurs qu’est ce que vous êtes tous devenus ?
Il était devenu évident d’arrêter le groupe car ça menait nulle part. On a tous refait des groupes après, sauf Francois le bassiste qui a totalement arrêté et fait carrière dans les chemins de fer. Den s’est mis au folk chant de marin et a bossé dans la restauration. Bubu le batteur a joué un peu mais a vite arrêté aussi. Mathieu joue toujours sur Dunkerque. Steph a stoppé la zik. Moi je fais que de la musique depuis,;pas que du rock hélas, il faut bien manger, c’est mon métier.
Le répertoire Sub Kids avec Den au chant ne correspond pas du tout à ce que je voulais faire pour Suburban Kids au départ, on est à des années lumières de ce que ça aurait du être
[N] : Dernière question: as-tu du trouvé bizarre qu’un jeune punk te demande une interview sur Sub kids ? Haha. Enfin moi ça me semble important de parler des groupes comme vous qui n’étaient pas et ne sont toujours pas connus ou reconnus et puis c’est crucial de documenter le punk avant que les universitaires et les historiens nous le volent ! T’en penses quoi de tout ça ?
Pas plus bizarre qu’un russe me demande de sortir un CD pirate des SK ha ha. Du coup ce n’est pas un pirate puisque j’ai donné mon accord, c’est un CD que j’avais fait en autoproduction de tout ce qui est sorti en disque (Vinyl Songs), il l’a fait plus sérieusement, pressage, livret avec paroles, il est en vente sur le net. Ça fait plaisir quand même que le truc continue à intéresser ne serait ce que quelques personnes.
[N] : J’ai entendu dire que t’avais un bar ? Il marche bien ? T’y passes du punk ?
Ce n’est pas moi qui avait ce bar mais mon ex-frère Den. Il faisait passer que des groupes anglais, blues, folk, un peu rock. Le Dyck n’existe plus maintenant, juste l’enseigne qui existe. uUn autre restaurant à Malo a récupéré le concept, même s’il ne fait pas de concerts. Ça n’a rien à voir avec le Dyck de l’époque qui se trouvait à Rosendael.
[N] : Raconte ce que tu veux et encore un grand merci d’avoir répondu à mes questions chiantes et longues haha !
Nan ce sont de bonnes questions, merci à toi. C’est toujours fun de refaire vivre ces souvenirs. En fait il y a eut 2 Sub Kids, un que tout le monde connaît avec Scum (Den) au chant et guitare rythmique, et il y avait l’autre Sub Kids (Suburban Kids) le vrai et l’authentique dont il existe des morceaux que personne n’a jamais entendu (à part en concert) et ne sont jamais sortis en disque. C’est ce SK qui aurait du exister.
Discographie
Suburban Kids 1977 à 1981 :
- Fred Rok (chant guitare)
- Freddy Dustbin dit Bubu (chant)
- Francois Hyart dit Steve Matchbox (bass)
- Mathieu Converti (batterie)
Sub Kids 1981 à 1985 :
- Fred Rok (lead guitar)
- Freddy Dustbin (batterie)
- Steve M (bass)
- Den, dit Scum (vocals, rythm guitar)
- Steph (2eme batterie)
Page officielle Sub Kids : http://azz.free.fr
Facebook : https://www.facebook.com/subkids/
Fred : https://www.facebook.com/fredrock59