{ Initialement publié sur le site BIBLIOTHÈQUE FARENHEIT 451 }
Frédéric Antonini propose de mettre en oeuvre une autre économie, « une économie qui ne se contente pas de satisfaire immodérément, ou même modérément, les attentes d’une minorité aux commandes, mais qui tente de répondre sans distinction au besoin de vivre de tous ». Il ne s’agit pas de revenir à une forme régulée de capitalisme, qui n’a jamais été « en mesure de résoudre les problèmes que son propre développement a fini par générer », ni d’adopter le modèle du collectivisme d’État, mais de mettre en place une économie libertaire, dont il se propose de tracer la forme générale. « Une économie libertaire est une économie dont les rapports humains, les structures et le fonctionnement sont imprégnés des grandes valeurs et des grands principes que porte en son coeur l’anarchisme » : la liberté ou l’auto-décision, l’égalité, la responsabilité, la coopération sociale ou l’entraide, la justice sociale. Son but est la « généralisation du bien-vivre », tant individuel que collectif.L’économie libertaire :
- s’oppose à toutes les formes d’enrichissement sans cause, atteinte à l’égalité socio-économique, et à toutes les formes d’économies reposant sur la domination lucrative ;
- reconnait l’existence de la propriété privée, débarrassée des abus, notamment celui de donner lieu à une rémunération pour elle-même, transmissible sans donner lieu à un enrichissement sans cause ;
- admet la diversité des formes de production, de répartition, de distribution et de consommation ;
- est une économie autogestionnaire, dans une société autogestionnaire ;
- valorise les « modes de distribution les plus sociaux », mais reconnait aussi ceux qui organisent un recouvrement des coûts de production. « En économie libertaire, l’échange marchand n’est pas lucratif. »
« Toute entreprise productrice collective est organisée de manière à être gérée collectivement, par ses participants». La société définit un plafond et un plancher de rémunération, et limite l’écart entre les deux. Est également versée à tous une rémunération générale et inconditionnelle, indépendamment du niveau de participation aux activités productives, afin de procurer à tous « les moyens de l’autonomie matérielle ». « La monnaie est sinon indispensable, du moins d’emploi avantageux car plus pratique. »La diminution du temps de travail rémunéré est permise par l’augmentation de la productivité et « l’inflexion des comportements de consommation ». Frédéric Antonini complète ses propositions de notes se référant à des dispositifs similaires existants dans la société d’aujourd’hui, démontrant ainsi combien les germes de l’économie et de la société libertaire sont déjà présents, « en réalité et en potentialité ». Il rappelle également les expériences historiques (Ukraine entre 1917 et 1921, Espagne entre 1936 et 1939, kibboutz en Palestine-Israël) riches d’enseignements. « La réformation libertaire de l’économie et de la société constitue donc une voie réaliste du présent et de l’avenir, qui n’oublie pas le passé». Frédéric Antonini n’invente rien, il synthétise des pratiques et des pensées défendues depuis parfois un siècle et demi. Cet opuscule ne constitue pas un « programme définitif et dogmatique », comme il prend soin de prévenir dans sa préface, mais des « pistes et réflexions », comme le souligne le sous-titre, pour nourrir les débats et répondre aux détracteurs qui, par méconnaissance ou mauvaise fois, reprochent à l’anarchisme un manque de propositions concrètes.