En 1992 alors que l’Espagne accueillait les jeux olympiques, l’auteur catalan déclarait « En voyant passer les athlètes, je me disais que si toute cette énergie musculaire et mercantile, cet immense enthousiasme était mis au service des idées, des sentiments et des utopies, le monde serait vraiment différent. » Hormis la clairvoyance de ces mots, ils condensent la matière de ce très beau roman où Germinal Massagué, vieil homme extravagant de 87 ans, raconte son Barcelone à un jeune réalisateur en quête d’idées, venu frapper à sa porte. Ou plus précisément, Germinal nous plonge dans l’histoire d’un quartier populaire, la Barceloneta, dont les ruelles vont être les témoins des pérégrinations du narrateur, alors jeune garçon et de ses 3 amis, David, Joana et Mireia. Tous 4 sont nés en 1920. Germinal est, comme beaucoup dans le quartier, le fils d’un marin aux idées libertaires et d’une française que le père a rencontré lors d’une de ses étapes à Sète. Il y a beaucoup d’amour, de fraternité et d’utopie dans cette famille et dans ce quartier. Mais l’arrivée au pouvoir en 1933 de la droite factieuse et la guerre qui va suivre va profondément chambouler cette harmonie, profanée petit à petit par le déchirement de la séparation, les pleurs et la mort. Pourtant au milieu de tout ça, l’espoir, l’amour et l’amitié survivent ; en dépit des bombes, des départs et des tabous.
A travers le regard aux yeux fardés du vieux Germinal sur sa vie, Lluís Llach, grand auteur interprète engagé – et réprimé – avant d’être romancier, nous livre des pages empreintes d’idéal, de sensualité et de grâce. Une lecture qui nous laisse entre espoir et désespoir et nous donne de grands moments de plaisir et d’émotion.