Après Le village de l’allemand, histoire d’un jeune algérien vivant en France confronté au passé de son père ancien nazi et combattant auprès du FLN (ouvrage inspiré d’une histoire authentique et interdit en Algérie), le romancier et essayiste retourne à ses sources dans les méandres de Belcourt, quartier pauvre d’Alger où à l’âge de huit ans il rejoint sa mère qui y réside, à deux pas de la maison d’Albert Camus. Auparavant, il aura vécu auprès de sa grand-mère à l’instar du narrateur, enlevé à sa mère prostituée par la puissante Djéda, chef de la tribu des Kadri, détentrice de nombreuses maisons closes. Et ce sont cinquante ans d’histoire de l’Algérie qui se déroulent devant nos yeux happés par le style ardent et si clair de l’auteur, à travers le destin de Yazid, algérien déchiré par la guerre et la séparation.
Si tous les romans de Boualem Sansal ont pour point commun une certaine vision – assez désespérée- de l’Algérie, celui-ci est bien plus intimiste sans être nombriliste, et très pudique. L’enfance, la souffrance, le mutisme, la douleur de l’absence, sont analogues aux combats qui font rage entre les religions et les cultures, portés par un État corrompu. Cette fois-ci le roman n’a pas été censuré par le gouvernement algérien, mais le Conseil des ambassadeurs arabes, mécène du prix du roman arabe a condamné la décision du jury de remettre le prix 2012 à l’auteur.