Y a pas que GOT et le Mentaliste

the Handmaid's tales

En ce moment, les USA nous envoient des séries traitant d’un futur fasciste où l’armée et l’Etat sont omniprésents et ultra répressifs. Je ne  vais pas vous parler de toutes ces séries d’autant que, pour l’instant, il n’y en a vraiment qu’une seule qui soit au-dessus du panier.


Braindead
Braindead

Braindead

Je passerai rapidement sur cette série courte et quasi anecdotique. Le synopsis vite fait : Laurel, réalisatrice de documentaires engagés est embauchée comme attachée parlementaire par son frère, chef de file des sénateurs Démocrates (comme quoi là bas aussi, les politiques font « travailler » leur famille). C’est ainsi que Laurel découvre que les sénateurs Républicains se font bouffer le cerveau par des insectes extraterrestres qui veulent conquérir la terre, en faisant voter des lois liberticides.

Il s’agit d’un mélange de House of cards et de Walking Dead, assez marrant et Tony Shalboud en responsable Républicain dont le cerveau se trouve pris en charge par les insectes vaut le détour. Cette série est passée aux Etats Unis pendant la campagne électorale et, évidemment les charges contre Trump et son parti sont très féroces. Juste avant son élection la chaîne a annoncée qu’il n’y aurait pas de deuxième saison, du coup il a fallu faire une fin rapide, au cours de laquelle Laurel et quelques amis réussissent à déjouer et se débarrasser des insectes. Bref.

Braindead  (1 saison) créée par Michelle et Robert King, avec Mary Elizabeth Winstead, Danny Pino, Aaron Tveil (EU, 2016, 10 X 42mn) Braindead est repassée dernièrement sur OCS Max.


Colony
Colony

Colony

Cette série est un peu plus classique dans la forme (le héros, interprété par Josh Holloway – remarqué dans Lost– est un ancien du FBI) et est produite par Carlton Cuse qui avait déjà produit la série Lost.

L’histoire : Dans un futur proche, les extraterrestres ont colonisé la Terre. Et pourtant, la plupart des humains ne savent pas à quoi ces aliens ressemblent. Pour faire régner l’ordre en obéissants aux extraterrestres, les gouvernants se font collabos. Des ghettos sont ainsi créés, entourés de très hauts murs. Les flics y sont omniprésents, des drones surveillent en permanence et la loi martiale est instaurée. Le message des gouvernants est de ne pas bouger le petit doigt, d’être docile et de croire en une nouvelle religion pro-aliens pour continuer à vivre dans les valeurs de l’Amérique. Ceux qui enfreignent les lois ou qui résistent sont exécutés ou envoyés dans des camps de travail au service des nouveaux conquérants. Los Angeles est un de ces ghettos et Will, pour retrouver son fils perdu hors du ghetto, collabore avec le gouvernement. Par contre, sa femme, Katie, participe à la résistance ainsi qu’aux actions « terroristes » (très réalistes).

Pour Carlton Cuse,  la série ne porte pas sur les Aliens mais sur la vie dans une ville occupée. « Ne pensez pas à Independence Day mais plutôt à l’occupation allemande pendant la seconde guerre mondiale ou à l’Afghanistan aujourd’hui ».

Evidemment, on vit, comme si on y était, la répression et la montée du totalitarisme en même temps que la résistance avec les actions qu’elle entraîne pour retrouver la liberté et combattre les extraterrestres.

Pour l’instant TF1 n’a passé que la première saison, alors que la 3e est annoncée aux USA pour début 2018. Lors de la deuxième saison, Will, ayant retrouvé son fils, prend conscience du côté collabo du gouvernement et semble se rapprocher des résistants pour lutter contre les colons…

Colony, saison 1, 2 et 3  série créée par Ryan Condal et Carlton Cuse, avec Josh Holloway, Sarah Wayne Callies, Peter Jacobson, …


La servante écarlate (« the Handmaid’s tales »)

Une nouvelle série, très réussie, d’après un livre paru en 1985 de Margaret Atwood  (qui est co-productrice de la série). Un film de Volker Shlondorff en a également été tiré en 1990.

L’histoire : Dans un futur terriblement proche, les Etats-Unis ont été renversés par une dictature protestante totalitaire obsédée, entre autres, par une natalité déclinante à cause de la toxicité environnementale. Les femmes ont été déchues de tous leurs droits, y compris celui de lire ou d’avoir un compte en banque avec un retour à des valeurs renvoyant au XVIIe siècle. Elles sont soit épouses de membres de l’élite, soit servantes, les plus fertiles étant employées comme «reproductrices» auprès de couples stériles riches. L’héroïne est l’une d’entre elles. Les Gardiens de la Foi ont enlevé June (Elisabeth Moss, stupéfiante) parce que mère d’une petite Hannah, elle a deux ovaires qui fonctionnent et peuvent procréer pour des familles en mal d’enfant.

Les servantes écarlates arpentent un monde méconnaissable en grandes capes rouges et cornettes blanches, tentant de ne pas prêter attention aux gays (désormais renommés «gender traitors»), scientifiques ou autres êtres indésirables pendus sur leur chemin. L’Etat américain considère la reproduction humaine comme un impératif moral, et la fertilité comme une ressource nationale qu’elle peut exporter. Ce qui, quelle surprise, passe par la prise de contrôle des femmes. Les uniformes des femmes qui cachent leurs corps comme leurs cheveux renvoient à la burka, mais cette fois il s’agit du protestantisme intégriste (mormon, amish, Témoins de Jehova  ou autres). La tension entre les esclaves en rouge et leurs patronnes toutes vêtues de vert est palpable malgré le clair-obscur permanent qui les enserre. Visuellement puissante et fictionnellement glaçante, la Servante écarlate se situe à l’intersection de Rembrandt et de George Orwell. « Comment une telle lumière peut-elle imprégner la mémoire laissée par cette dystopie quand tout, ici, résonne des pires horreurs du temps présent ? » questionne le journal Le Monde au sujet de cette série.

Grâce à des flash-backs très habiles et à la voix off de l’héroïne, on apprend par petites touches comment les Etats Unis en sont arrivés là. Sous prétexte de la nécessité d’un état d’urgence pour cause de terrorisme réel ou supposé, c’est un état fasciste qui s’impose et une répression violente qui devient le quotidien. Il s’agit ni plus ni moins d’une alerte qui nous est envoyée : c’est notre monde tel qu’on le vit et subit aujourd’hui et il est plus que probable qu’il soit de plus en plus dur, violent et répressif si on laisse faire.

Je ne vais pas le cacher mais c’est souvent dur (viol rituel lorsque l’héroïne est susceptible d’être en période d’ovulation, excision d’une amie lesbienne, exécutions d’opposants par pendaison ou lapidation…) mais c’est aussi très fort.

Le sujet réel de la série est : Comment lutte-t-on contre la déshumanisation ? Comment survit-on à la folie que suppose cette forme de viol étatisé ? June va créer son propre récit, celui des souvenirs heureux pour fuir l’horreur du présent, celui de la compagnie que l’on se crée avec soi-même pour s’adjurer de « ne pas se laisser anéantir par ces bâtards », celui d’une forme de fierté d’honorer la condition humaine, en quelque sorte, en entrant en résistance… Au moins intérieurement.

The Handmaids against Trump.

Fait intéressant pour une série, aux Etats-Unis, The Handmaid’s Tale fait un carton, elle dépasse la fiction et pointe les dérives potentielles du gouvernement Trump (décret interdisant le financement des ONG qui soutiennent l’avortement, par exemple).

Bien avant qu’elle ne soit diffusée  des manifestantes américaines faisaient déjà allusion au livre pendant la marche des femmes anti-Trump de janvier : « La Servante Écarlate n’est pas un manuel d’instruction ! », disaient-elles.

En réponse à des publications portant sur le Trumpcare et les attaques du président envers la pilule contraceptive et l’avortement, des internautes écrivaient : « Under his eye » (« Sous le regard de Dieu ») et « Blessed be the fruit » (« Béni soit le fruit »), soit les formules de salutation obligatoires de The Handmaid’s Tale.

Le site Funny or Die a détourné la bande-annonce de The Handmaid’s Tale, en l’agrémentant de la présence de Donald Trump.

Le 27 juin, une trentaine de bénévoles du Planning familial manifestaient devant le siège du Congrès contre le projet de loi santé républicain. Elles étaient vêtues comme dans The Handmaid’s Tale. « S’habiller comme une Servante donne un message clair à notre administration et au Sénat pour leur montrer que nous prenons leurs décisions très au sérieux et qu’elles peuvent radicalement affecter nos vies », déclarait une des manifestantes

D’autres manifestations avec bonnets blancs et capes rouges ont également été recensées à Austin au Texas, dans le New Hampshire, dans l’Ohio et en Albany. Plus que la tenue d’une héroïne de série, la cape rouge, symbole d’une société américaine patriarcale aux mains d’un homme d’affaires conservateur sans scrupules, devient donc « un emblème de la solidarité entre femmes et de la collaboration sur les questions des droits à la personne », estime le NewYork Times.

La série a été renouvelée pour une deuxième saison qui sera diffusée en 2018. Le récit du roman ayant été l’objet de la première saison, ce sont des développements inédits de l’univers de la série qui seront abordés.

La Servante écarlate, saison 1, série créée par Bruce Miller. Avec Elisabeth Moss, Yvonne Strahovski, Alexis Bledel, Samira Wiley (EU, 2017, 10 × 52 minutes). Est passée cet été sur OCS City

/ Jean-Pierre Levaray