Je l’ai tout de suite repéré sur les étalages, cet ours perché sur un pic montagneux en première de couverture, et j’ai été emportée par cette BD. Les sentiments de sauvagerie, de grandeur, de noblesse et de beauté, nous envahissent totalement à la lecture des 238 pages, tant dans les dessins que dans les actions et les paroles des personnages.
Plusieurs histoires s’entremêlent.
Celle de l’ours, que l’on retrouve traversant les siècles tout au long de la lecture, sorte d’incarnation de la nature que l’humain ne cesse de pourchasser, vouloir mettre en cage et dominer. Je dois dire que les traits et les attitudes de l’animal, comme tous les paysages et les habitants de la forêt, sont dessinés avec beaucoup de majesté et de tendresse.
Puis il y a le personnage principal de l’histoire, Édouard, sorte d’incarnation humaine de la bête. Enfant de la montagne, à laquelle il est profondément lié, il est emporté par la guerre de 14-18 qui le brise complètement, jusqu’à ce que la sculptrice Jeanne Sauvage lui redonne vie. Amie du sculpteur animalier François Pompon, qu’elle retrouve parfois au Lapin Agile à Montmartre en compagnie de Soutine et d’autre amis artistes, Jeanne refait des visages pour les gueules cassées. Va naître entre le colosse roux et l’artiste, une histoire d’amour simple et pure qui débute à Paris, puis est sublimée par les paysages du Vercors.
« L’art n’est rien s’il ne force le réel. Seul l’homme a éteint son feu » fait dire l’auteur à Jeanne. Rochette nous démontre pourtant le contraire dans cette magnifique BD, où scénario comme dessins constituent une passionnante et émouvante œuvre d’art. L’expression « un coup de cœur », prend ici sa juste valeur.