Douze ans après Pétillon et son album L’affaire du voile (publié chez ALBIN MICHEL en 2006), les éditions CASTERMAN nous proposent une histoire relativement similaire pour détendre l’atmosphère sur un sujet ultrasensible traitant de la radicalisation et de ses conséquences, à travers le parcours d’une jeune française partie faire le djihad. D’après un scénario humoristique, DODO, bien connue pour son travail avec BEN-RADIS (principalement aux Humanoïdes associés), nous entraine avec Gina et tante Alice pour retrouver Pauline, récemment partie en…Syrakie pour rejoindre le Grand Khalifat. Autant dire que le ton n’est pas à la dramatisation dans cette histoire ; et même si DODO n’évite pas quelques clichés, elle s’en sert pour tenter de nous faire rire, alors qu’on est déjà tous plus ou moins traumatisé par la situation à l’heure actuelle. Il faut de l’audace pour oser passer à la moulinette de l’humour la radicalisation islamiste, et DODO n’en manque pas a priori. Son propos est de rendre ridicule les fanatiques pour nous aider à prendre du recul sur les monstruosités qu’ils commettent. Pour ma part, je trouve l’affaire plutôt bien menée, et le ton de l’ensemble m’a fait penser à celui souvent employé par l’équipe d’HARA-KIRI vis-à-vis d’autres thèmes aussi sensibles ou dramatiques. L’humour et la légèreté restent des soupapes de sécurité pour aider le lecteur à relâcher la pression de l’angoisse, et DODO l’a bien compris.
Il faut de l’audace pour oser passer à la moulinette de l’humour la radicalisation islamiste, et DODO n’en manque pas a priori
En ce qui concerne la forme, c’est la jeune autrice CHA qui s’y est collée. Bien connue des lecteurs des éditions ANKAMA où elle a publié plusieurs recueils en collaboration avec EL DIABLO ( Pizza roadtrip, Un homme de goût T.1 et 2), mais aussi des lecteurs de SPIROU où elle a animé une rubrique avec LAUREL et MELAKA, CHA a su développer un graphisme hyper-dynamique qui colle parfaitement à cette aventure. Son trait « ligne claire » donne une lisibilité impeccable et l’expressionisme des visages des personnages renforce les dialogues contenus dans les bulles. Le graphisme est vif et les cadrages toujours pertinents. La mise en couleurs est plutôt basique, mais elle est efficace.
Avec Le voile noir, DODO et CHA amènent un peu de rire et de légèreté sur un sujet qui en dégage peu au premier abord, et, rien que pour ça, c’est une belle prouesse. Le profil plutôt caricatural des principaux personnages et la légèreté du traitement du sujet pourront peut-être heurter telle ou tel, mais il ne faut pas perdre de vue qu’on est en pleine bande dessinée d’humour tout public. Et dans le contexte actuel, un ouvrage comme celui-ci ferait plutôt office de baume apaisant après un coup reçu. Merci pour ça !