{Publié initialement sur Bibliothèque Fahrenheit 451 } Carlos a réalisé son rêve d’enfant, dessiner des voitures, mais celui-ci tourne au cauchemar. Un système de harcèlement moral est insidieusement mis en place dans son entreprise, progressivement, pour augmenter au maximum la rentabilité des personnels. Inspiré d’une histoire vraie ce récit décortique les dérives managériales qui conduisent au drame : open space, pôle technique éloigné de l’usine et des ateliers de fabrication, management uniquement soucieux d’augmenter la rentabilité, contrôle permanent, évaluations et objectifs individualisés, régulièrement revus à la hausse, nouveau logiciel imposé, sans formation ni assistance, programme « Contrat d’avenir » ambitieux avec production de vingt-six modèles au lieu de quatorze, progression de marge de 6% et réduction des coûts de 30, etc. Consciencieux, Carlos s’investit toujours plus, souvent au détriment de son couple et de sa famille.
Du jour au lendemain, on l’envoie en Argentine pour rationaliser la production, sans aucune préparation ni information. Puis, au lieu de le laisser poursuivre ce qu’il a finit par comprendre et maîtriser, on l’envoie en Roumanie où les ouvriers tournent en permanence parce qu’ils sont sous-payés. Refusant de repartir (pour un an !), il est mis au placard. Alors, pour regagner la confiance de sa hiérarchie, il passe ses nuits et ses week-ends à rédiger un manuel de formation de 300 pages qui permettrait aux ouvriers roumains de comprendre ce qu’ils font. La fracture s’élargit et une folle spirale finit par l’emporter. Sa dérive, son enfermement progressif se comprennent aussi par le regard de ses collègues et de sa femme avec laquelle les relations sont de plus en plus tendus tant le travail envahit leur vie quotidienne. Au-delà de ce destin individuel, c’est toute la violence de l’organisation du travail qui est mise à nu, avec les souffrances qu’engendrent ses pratiques, et qui peuvent s’avérer mortelles. Édifiante démonstration par l’exemple.