Partis pour des vacances d’été à Palavas-les-Flots, Roland et Fabienne sont à peine arrivés qu’un drame se produit. La disparition aussi stupide qu’inattendue de Roland laisse Fabienne dans le désarroi. Contre toute attente, Fabienne décide de rester sur ce lieu de villégiature et d’appliquer le programme qu’avait prévu son compagnon sur l’agenda des vacances. Au gré des rencontres et des échanges, elle effectue tant bien que mal son travail de deuil dans un contexte festif et ensoleillé. Le décalage entre l’ambiance sur place et l’état d’esprit de Fabienne est l’élément central de ce récit. Une histoire traitée tout en finesse par Lewis TRONDHEIM, au scénario, et Hubert CHEVILLARD au dessin et à la couleur. L’auteur des aventures de Lapinot nous propose ici une réflexion sur le sens de la vie, une introspection sur notre rapport à la mort et notre capacité à gérer un deuil.
Intimiste, bienveillant, voire apaisant, et un tantinet mélancolique, ce recueil se lit comme un story-board de film. La mise en page des planches œuvrent d’ailleurs dans ce sens puisque chaque page est conçue de manière très classique sur le mode « gaufrier » (3 bandes de cases présentant donc 6 images carrées par page en général), agrémentée d’illustration pleine page à l’occasion. Le graphisme plutôt réaliste de CHEVILLARD bénéficie d’une mise en couleurs aux tonalités en demi-teintes très adaptée aux propos de la narration et à l’ambiance estivale. Hubert CHEVILLARD s’est déjà illustré à travers son travail sur la série Le pont dans la vase (4 tomes publiés aux éditions Glénat), avec Sylvain CHOMET au scénario, ainsi que dans le film d’animation Le château des singes. Il travaille aussi dans le domaine du jeu vidéo notamment sur le projet Les aventures de Tintin – Le secret de la Licorne. Quant à Lewis TRONDHEIM, nul besoin de le présenter puisque son empreinte dans le monde du neuvième art est conséquent et incontournable depuis la fin du siècle dernier (autant en tant que scénariste, dessinateur ou directeur de collection).
Cet album de bandes dessinées cible plutôt les lecteurs adultes. Imprégnée d’une certaine forme de poésie, l’histoire déclenchera chez le lecteur une réflexion sur l’amour, l’amitié et la disparition d’autrui. L’absence de dialogues sur un bon nombre de pages renforce l’introspection et encourage la rêverie. « Je vais rester » distille un petit vent chaud estival très agréable, malgré l’aspect tragique du thème abordé. Trondheim révèle encore une fois sa capacité à se renouveler et à nous embarquer sur des chemins où la sensibilité le partage à l’incongruité de certaines situations improbables qui peuvent se présenter à nous pendant cette vie terrestre. Une belle découverte et un avant-goût des vacances à ne pas négliger !