Violence.
Violence des mots. Violence des images que ces mots provoquent dans le crâne de celui qui les lit.
Violence de ces images, de viande, carcasses de porc, carne putride. Carcasses sur des crochets de boucher.
Violence des visions de tortionnaires impartiaux, torturant l’esprit de celui qui a, sur les pages, fait couler son encre pour ne pas faire couler son sang. Répandu sa colère sur les feuilles pour ne pas répandre son cerveau sur les murs.
Violence des tortionnaires avides de douleurs physiques, scarifications, brûlures. Tortionnaires affamés de douleurs psychologiques, qui se prénomme Charlotte ou qui se nomme folie.
Folie latente, sournoise, qui guette François, l’effleurant à peine, pour brutalement lui arracher les boyaux.
Folie omniprésente, qui fait sombrer au plus profond du néant, mais pas assez pour empêcher la conscience de refaire surface. Conscience du néant. Lobotomie. Avec l’espoir vain de ne plus souffrir. Nada. Souffrance. Nada.
Attirance physique. Sexe, masochisme, plaisir de la chair dans la douleur. Garçon ou fille, cela ne reste que chair, éveil des sévices, éveil des supplices, désirs ardents, toujours pourtant en revenir au sang, à la destruction, à la mort.
Des pages qui se suivent, lambeaux d’histoires, pas même des nouvelles. Des cris arrachés par FanXoa, des tentatives d’amputation de son mal-être, pour tenir, pour dans l’écriture trouver un rempart au passage à l’acte. L’acte de destruction. L’acte d’auto-destruction.
Des pages d’où transpirent les prémisses les plus noires de ce qu’a pu être le Bérurier Noir de Pali-Kao, de Nada et de Macadam Massacre. Le journal d’un garçon qui s’éventre pour étaler ses tripes et s’exploser le cerveau à l’aide des grenades que dégoupillent ses mots…
J’ai, pour marquer les emplacements des passages forts ou les illustrations marquantes, utilisé des petits post-it. Jaunes, roses et bleus. Des marqueurs qui jalonnent l’ouvrage, éparpillés dans la noirceur qui couvre ces pages. Jalons bariolés qui n’atténuent en rien la force des claques que ces passages m’ont foutu dans la tronche. Tentatives avortées, pour faire semblant de ne faire que lire. Faire comme si tout cela n’était que de la littérature… Croire qu’on n’est pas touché. Pas affecté. Pas concerné. Faire semblant de ne pas entendre les cris que mes propres souvenirs poussent au plus profond de mon être. Simulacre. Faire semblant de ne pas sentir la vérité. Celle de la déroute, du malaise, qu’on a vécu à l’âge qu’avait FanXoa quand il écrivait.
Chaque « histoire », jamais plus longue que cinq ou six pages, est indépendante. Même si des personnes, des mots, des événements, des idées, des traumatismes sont récurrents.
Un livre qui pourrait dans l’absolu se lire d’une traite. Si les pages qui le constituent n’étaient pas pleines de ces mots sombres, de ces phrases choquantes, de ces bouleversantes éviscérations qui nous éclaboussent. Un livre à cœur ouvert qui répand le sang de son auteur sur nos mains et que l’instinct de préservation, de survie même, nous oblige à fermer pour reprendre plus tard. Un livre qu’il faut lire aussi en plusieurs fois pour en apprécier la saveur, une œuvre qui se doit d’être dégustée petit à petit. Pour s’imprégner de chacun des mots, chacun des passages qui forment les « histoires », chacune des illustrations qui introduisent ou ponctuent les textes.
Je n’ai pas de recommandation à faire. Vous n’êtes pas obligé de me croire.
Mais si vous voulez lire quelque chose de tout à fait extra-ordinaire, si vous vous sentez le courage de plonger les mains dans les viscères, si la vue de carcasses sanguinolentes ne vous fait pas peur, lisez ce livre. Si vous avez grandi au son des Bérurier Noir, si vous avez passé de longues nuits blanches à vous torturer l’esprit dans d’inextricables malaises existentiels, lisez ce livre. Si vous n’êtes pas réfractaire à une forme d’art glauque, malsain, sombre, repoussant et pourtant attirant à un point extrême, lisez ce livre.
Des histoires courtes, des illustrations chocs, qui confèrent à cet ouvrage, véritable œuvre d’art, un caractère inclassable, un format particulier entre le recueil de nouvelles, le carnet de notes et le journal d’un homme.
Jeune.
Éventré.