Je ne sais pas si ce livre est fait pour les âmes sensibles ou au contraire doit leur être interdit, tant la beauté qui sue de ses pages peut aussi bien les émouvoir que les dégoûter, voir les blesser.
Car au fil des pages, la violence vous éclate à la gueule, en devenant époustouflante, tout en se cachant dans les interstices des sentiments et de la nature parfois si belle, d’autres fois si dure et carnassière.
Épicentre de la tempête, Turtle quatorze ans. Elle vit seule avec Martin son père sur la côte californienne, dans une maison qui se délabre peu à peu depuis que sa mère a été emportée par les flots.
Turtle manie comme une cheffe le pistolet Sig Sauer, avec lequel elle s’entraine à l’intérieur de la maison en partie barricadée par Martin, qui entend ainsi la protéger des autres, ou de la fin du monde, allez savoir… Par contre les mots et les figures de style qu’on lui apprend au collège, se heurtent à un mur dans son cerveau. Est-ce pour cela que son père qui lit abondamment lui, la traite de « petite connasse »? En tous les cas, Turtle culpabilise beaucoup, de tout : ne pas être assez bonne à l’école, ne pas assez bien tirer et surtout, ne pas assez mériter l’amour paternel. Car celui-ci, la tyrannise, l’insulte, la violente, mais il l’aime, n’est-ce pas, celle qu’il appelle sa petite « Croquette »..? Et ce surnom prend tout son sens quand se manifeste peu à peu aux yeux du lecteur, tout le vice et le déchainement de la domination d’un homme sur sa fille, à qui il fait croire depuis toujours que l’amour d’un père c’est cela aussi, c’est charnel, incestueux…
Les personnages qui ondulent autour d’elle comme Anna l’enseignante, sentent qu’il y a quelque chose qui cloche, qu’une enfant ne peut pas exprimer autant de colère et paraitre si fragile à la fois. Mais aucun n’ose s’introduire dans la coquille familiale: la trouille, ou la désaffection des adultes… Et Turtle ne veut pas. Même si elle en a peur, elle protège son monde, car c’est le seul qu’elle connaisse vraiment, tant son père l’a coupée de tout.
Une nuit, elle part errer dans la forêt et rencontre Jacob, jeune lycéen érudit et sans préjugés, qui s’est perdu avec son ami Brett. Elle va les aider à survivre au froid des nuits californiennes, en se réfugiant au creux d’un séquoia. Et tel un Petit Poucet, cet évènement va éveiller son instinct de survie à elle, la pousser à affronter la fureur et les sévices de l’ogre là-bas. L’heure de la révolte aura sonné.
Ce livre ne constitue pas une lecture passionnante ou splendide; ce serait dégueulasse de la qualifier ainsi, étant donné la putridité de l’un de ces personnages. Absolu est le terme qui convient. Et à dévorer, sans aucun doute…